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Wiesław Myśliwski, « L’Art d’écosser les haricots »


Wiesław Myśliwski, « L’Art d’écosser les haricots »
Wiesław Myśliwski, « L’Art d’écosser les haricots », éd. Babel/Actes Sud

Wiesław Myśliwski, « L’Art d’écosser les haricots », traduit du polonais par Margot Carlier, éd. Actes Sud, 2010, Babel, 2016.


4e de couverture

Le vieux gardien d’un village de vacances reçoit la visite impromptue d’un inconnu qui souhaite lui acheter des haricots. Pendant qu’ils les écossent ensemble, le maître des lieux déroule, dans une improvisation savante, le fil de sa vie.

Simple ouvrier croupissant dans la grisaille de la campagne polonaise, il a découvert un jour, grâce à la musique, qu’un ailleurs existe et son destin s’en est trouvé bouleversé. Au fil d’un récit lui-même porté par une grande musicalité, le narrateur révèle les événements et les personnes qui, au cours du vingtième siècle, l’ont façonné. Malgré les tragédies et les impasses historiques dont il fut le témoin, le vieil homme a su parvenir à une délicate lucidité face au monde.

Ce roman philosophique atypique raconte avec humour et émotion rien de moins qu’un demi-siècle d’histoire polonaise et européenne.

Prosateur et dramaturge, Wiesław Myśliwski (né en 1932) est une grande figure des lettres polonaises. L’Art d’écosser les haricots a reçu en 2006 le prix Nike, la plus importante récompense littéraire de Pologne.


J’ai aimé : la mise en place, lente et toute en subtilité, du discours du narrateur. Il fait face à un visiteur muet auquel le lecteur finit par s’identifier. La profondeur philosophique du propos sur le temps, la mémoire, notre accès au réel. Le mystère, omniprésent dans ce livre (plus le narrateur livre des explications, plus il les approfondit, et plus les mystères s’épaississent !). Exemple : une description de « Robert », personnage énigmatique qui ne cesse de harceler le narrateur :

Pour ce qui est de Robert, il serait exagéré de dire que je l’ai bien connu. Nous n’avons jamais vraiment discuté en toute franchise. Nous nous connaissions depuis de longues années, mais sans jamais parvenir à nous tutoyer. Il tenait un magasin de souvenirs en ville… Quel genre de souvenirs ? Je n’en sais trop rien, je n’y suis jamais allé. Ce que je peux vous dire, en revanche, c’est qu’il s’en moquait pas mal dans ses lettres. Il disait, par exemple, qu’il n’aurait jamais pu acheter les objets qu’il vendait. Et que, si ce genre de souvenirs était censé raviver la mémoire, alors il valait mieux tout oublier. (P. 47.)

Les multiples épisodes de la vie du narrateur se placeront également sous le signe, à la fois de la précision et du non-élucidé. Y compris dans son expérience de la guerre, lorsque, après avoir vu sa famille décimée, il est contraint de vivre en se cachant dans les bois…

Ce roman complexe est agréable à lire, grâce au style alerte et fluide de l’auteur, et au talent de la traductrice Margot Carlier. C’est une heureuse vertu, car sa subtilité mérite plusieurs lectures.

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