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Magda Szabó, « La Porte »


Magda Szabó, « La Porte », éd. Viviane Hamy
Magda Szabó, « La Porte », éd. Viviane Hamy

Magda Szabó, La Porte, traduit du hongrois par Chantal Philippe, éd. Viviane Hamy, 2003.


4e de couverture

« Mes rêves sont des visions absolument identiques qui reviennent inlassablement, je fais toujours le même rêve. Je suis sous le porche de notre immeuble, au pied de l’escalier, derrière la porte cochère au verre armé inexpugnable, renforcée d’une armature de fer, et j’essaie d’ouvrir la serrure. Il y a une ambulance dans la rue, les silhouettes des infirmiers, floues à travers la vitre, sont d’une taille surnaturelle, leurs visages enflés sont entourés d’un halo, comme la lune.

La clé tourne.

Je m’escrime en vain. »


Magda Szabó est née en 1917 en Hongrie. Ses premiers écrits sont publiés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale mais, après 1948, pour des raisons politiques, elle disparaît de la scène littéraire. Lorsque ses livres ressortent en librairie à la fin des années 1950, l’accueil est enthousiaste. Depuis, récompenses et traductions à l’étranger se succèdent.

Magda Szabó est devenue une figure majeure des lettres hongroises. La Porte paraît en 1987. Le succès est international, en 1992 le livre obtient le Prix Betz Corporation aux États-Unis. Bizarrement, la France ignorait ce chef-d’œuvre.

Les éditions Viviane Hamy s’attachent désormais à faire découvrir cet écrivain.

Magda Szabó est morte en 2007 en Hongrie, près de Budapest.


J’ai aimé : l’originalité de l’intrigue ; le style sobre, un peu froid mais très précis, de la narratrice, qui souligne l’étrangeté de cette histoire de passion, tout en mettant en lumière ce qui peut en être révélé. Le personnage de la narratrice, écrivain relativement connu dans son pays, cherche une femme de ménage et engage Emerence, une vieille femme, sur la recommandation d’une amie. Elle ne soupçonne pas, alors, que c’est elle qui s’engage dans une relation aussi intense que tourmentée, et qu’elle devra puiser en elle énergie et sang-froid pour suivre tant bien que mal les méandres des sentiments d’Emerence…


Extrait (p. 12-13, op. cit.)

Les débuts n’avaient pas été prometteurs, Emerence elle-même ne s’était guère montrée aimable quand j’étais venue l’inviter chez nous pour une petite conversation. Je la trouvai dans la cour de l’immeuble dont elle était la concierge – elle vivait tout près de chez nous, je pouvais voir son logement de notre balcon. Elle commençait une grande lessive, avec les moyens de l’ancien temps, entourée de vapeur, elle faisait bouillir le linge dans un énorme chaudron posé sur un réchaud, soulevant les draps avec une grande cuiller en bois dans une canicule déjà pénible. Le feu irradiait autour d’elle, grande, osseuse, encore puissante malgré son âge, telle une Walkyrie, et la forme de son foulard évoquait un casque guerrier. Elle accepta de passer nous voir, et c’est ainsi que nous nous sommes retrouvées ensemble ce soir-là dans le jardin. Elle m’observait sans rien dire tandis que je lui expliquais ce qu’elle aurait à faire chez nous. Tout en parlant, il me vint à l’idée que je n’aurais jamais pris au sérieux un écrivain qui, dans un grand roman du siècle dernier, aurait comparé un visage à un lac. J’en eus honte, comme chaque fois que j’ai l’audace de remettre en cause les grands classiques : le visage d’Emerence ne pouvait être comparé qu’au miroir lisse d’une eau matinale. Je ne savais pas dans quelle mesure ma proposition l’intéressait, elle n’avait pas besoin de ce travail, ni d’argent, cela se voyait sur toute sa personne, il était terriblement important pour moi qu’elle accepte, mais voilà, ce visage lisse comme un étang dans l’ombre du foulard évoquant un accessoire rituel resta longtemps sans rien trahir. Emerence ne releva pas la tête, même lorsqu’elle donna enfin sa réponse : nous pourrions éventuellement en reparler, parce qu’une des maisons où elle travaillait devenait impossible, le mari et la femme buvaient, le fils aîné était un débauché, elle ne voulait plus les garder. Si quelqu’un se portait garant de nous et lui assurait que chez nous, il n’y avait ni buveur, ni tête brûlée, c’était envisageable. Je l’écoutais, ahurie, c’était la première fois qu’on exigeait nos références.

– Je ne lave pas le linge sale de n’importe qui, dit Emerence.





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